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ACTE IV


Scène I

Une vaste campagne. Edgar, seul.

Edgar. – Encore vaut-il mieux être comme je suis, et me savoir méprisé, que d’être à la fois méprisé et flatté. Quand on a vu le pire, au degré le plus abject, le plus abandonné de la fortune, la vie est toute d’espérance, exempte de crainte : un changement lamentable, c’est celui qui nous fait descendre du mieux ; une fois au pis, nous retournons vers le rire. Sois donc le bienvenu, air insaisissable ; je me livre à toi : le misérable que ton souffle a jeté au plus bas ne doit plus rien à tes coups – Mais qui vient ici ? Entre Glocester conduit par un vieillard. — C’est mon père, bien misérablement accompagné. O monde, monde, monde ! si tes étranges vicissitudes ne nous forçaient pas de te haïr, la vie ne voudrait pas céder au cours des ans.

Le vieillard. – O mon bon maître, je suis depuis quatre-vingts ans le vassal de votre père et le vôtre.

Glocester. – Va, va-t’en, mon bon ami, retire-toi : tes secours ne peuvent me faire aucun bien et pourraient te nuire.

Le vieillard. – Hélas ! seigneur, vous ne pouvez pas voir votre chemin. glocester – Je n’ai plus de chemin devant moi ; je n’ai pas besoin d’yeux : je suis tombé lorsque je voyais. Cela se voit souvent que notre moyenne condition fait notre sécurité, et nos privations nous deviennent des