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Régane. – A quelles mains envoyez-vous remettre votre lunatique de roi ?

Glocester. – J’ai reçu une lettre où l’on m’entretient de conjectures : elle me vient d’une personne tout à fait neutre, et non d’aucun de vos ennemis.

Cornouailles. – Artifice.

Régane. – Mensonge.

Cornouailles. – Où as-tu envoyé le roi ?

Glocester. – A Douvres.

Régane. – Pourquoi à Douvres ? N’étais-tu pas chargé, sous peine…

Cornouailles. – Pourquoi à Douvres ? — Qu’il réponde d’abord à cela.

Glocester. – Je suis attaché au poteau ; il me faut soutenir l’attaque.

Régane. – Pourquoi à Douvres ?

Glocester. – Parce que je ne voulais pas voir tes ongles cruels arracher ses pauvres vieux yeux, et ta sœur féroce enfoncer dans sa chair sacrée ses défenses de sanglier. Par une tempête semblable à celle que sa tête nue a supportée pendant cette nuit noire comme l’enfer, la mer soulevée serait allée éteindre et entraîner les feux des étoiles ; et cependant son pauvre vieux cœur secondait encore la pluie du ciel – Si dans cette rude nuit les loups avaient hurlé à ta porte, tu aurais dit : « Bon portier, tourne-leur la clef. » — Tout ce qu’il y a de cruel, excepté vous, avait cédé – Mais je verrai les ailes de la vengeance atteindre de pareils enfants.

Cornouailles. – Tu ne le verras jamais – Vous autres, tenez bien cette chaise – J’écraserai tes yeux sous mon pied.

On tient Glocester retenu sur la chaise, tandis que le duc lui arrache un œil et l’écrase avec son pied.

Glocester. – Que celui qui espère parvenir à la vieillesse me donne quelque secours ! — O cruels ! O dieux !

Régane. – Un côté se moquerait de l’autre : l’autre aussi.

Cornouailles. – Si tu vois la vengeance…

Un des domestiques. – Arrêtez, seigneur : je vous sers