Cornouailles. – Préparez des chevaux pour votre maîtresse.
Gonerille. – Adieu, cher lord ; adieu, ma soeur.
Gonerille et Édouard sortent.
Cornouailles. – Adieu, Edmond – Qu’on cherche le traître Glocester. Garrottez-le comme un voleur, et amenez-le devant nous. Sortent encore quelques domestiques. — Quoique nous ne puissions pas trop disposer de sa vie sans les formes de la justice, notre pouvoir fera une grâce à notre colère. On peut nous en blâmer, mais non pas nous en empêcher. Rentrent les domestiques avec Glocester. Qui vient ici ? Est-ce le traître ?
Régane. – C’est lui-même – Fourbe ingrat !
Cornouailles. – Serrez-bien ses bras de liège.
Glocester. – Que veulent dire Vos Seigneuries ? Mes bons amis, considérez que vous êtes mes hôtes ; ne me faites point d’indignes traitements, amis.
Cornouailles. – Liez-le, vous dis-je.
Les domestiques le lient.
Régane. – Ferme, ferme – O l’infâme traître !
Glocester. – Impitoyable dame, je ne suis point un traître.
Cornouailles. – Attachez-le à cette chaise – Scélérat, tu verras…
Régane lui arrache la barbe.
Glocester. – Par les dieux propices, c’est me traiter bien indignement que de m’arracher ainsi la barbe.
Régane. – L’avoir si blanche, et être un pareil traître !
Glocester. – Méchante dame, ces poils dont tu dépouilles mon menton s’animeront pour t’accuser. Je suis votre hôte : devriez-vous ainsi d’une main déloyale insulter à ma bienveillance hospitalière ? Que prétendez-vous ?
Cornouailles. – Voyons, mon gentilhomme ; quelles lettres avez-vous dernièrement reçues de France ?
Régane. – Répondez franchement, car nous savons la vérité.
Cornouailles. – Quelle intelligence avez-vous avec les traîtres qui viennent de débarquer dans ce royaume ?