Glocester. – Seigneur, notre chair et notre sang se sont tellement pervertis, qu’ils prennent en haine ceux qui les ont engendrés.
Edgar. – Pauvre Tom a froid.
Glocester. – Venez avec moi ; mon devoir ne peut me permettre d’obéir en tout aux ordres cruels de vos filles. Quoiqu’elles m’aient enjoint de fermer les portes de ma maison, et de vous laisser à la merci de cette cruelle nuit, je me suis pourtant hasardé à venir vous chercher, pour vous conduire dans un lieu où vous trouverez du feu et des aliments.
Lear. – Laissez-moi d’abord m’entretenir avec ce philosophe – Quelle est la cause du tonnerre ?
Kent. – Mon bon maître, acceptez son offre, rendez-vous dans cette maison.
Lear. – J’ai un mot à dire à ce savant Thébain – Quelle est votre étude ?
Edgar. – D’échapper au malin esprit et de tuer la vermine.
Lear. – Laissez-moi vous dire un mot à part.
Kent, à Glocester – Pressez-le encore une fois de venir, milord ; sa raison commence à se troubler.
Glocester. – Peux-tu le blâmer ? ses filles veulent sa mort – Ah ! ce brave Kent, il avait bien prédit qu’il en serait ainsi. Pauvre banni ! Tu dis que le roi devient fou. Ami, je te dirai que je suis presque fou moi-même. J’avais un fils que j’ai proscrit de mon sang : dernièrement, tout dernièrement il a cherché à m’assassiner. Je l’aimais, mon ami : jamais un père n’aima plus chèrement son fils. Pour te dire la vérité, le chagrin a affaibli ma raison – Quelle nuit ! A Lear. — Je conjure Votre Seigneurie…
Lear. – Oh ! je vous demande pardon – Noble philosophe, honorez-moi de votre compagnie.
Edgar. – Tom a froid.
Glocester, à Edgar – Va, l’ami. A ta hutte ; va t’y réchauffer.
Lear. – Allons, entrons-y tous.
Kent. – C’est par ici, seigneur.