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mait dans des projets de volupté, et se réveillait pour les exécuter. J’aimais passionnément le vin, les dés avec ardeur ; et quant aux femmes, j’avais plus de maîtresses qu’un Turc : faux de cœur, l’oreille crédule, la main sanguinaire, pourceau pour la paresse, renard pour la ruse, loup pour la voracité, un chien dans ma rage, un lion pour saisir ma proie. Ne permets pas que le bruit d’un soulier ou le frôlement de la soie livre ton pauvre cœur aux femmes. Tiens ton pied éloigné des mauvais lieux, ta main des collerettes, ta plume des livres des prêteurs, et défie le malin esprit – Mais toujours à travers l’aubépine souffle la bise aiguë. Elle fait mun… zuum… Ah ! non, nenni, dauphin, mon garçon, cesse, laisse-le passer.

L’orage continue.

Lear. – Tu serais mieux dans ton tombeau qu’ici le corps nu en butte à toutes ces violences du ciel. L’homme est-il donc si peu de chose que cela ? Considérons-le bien – Tu ne dois point de soie aux vers, de peaux aux bêtes sauvages, de parfums à la civette – Ah ! trois de nous ici sont déguisés ; toi, tu es la chose comme elle est. L’homme réduit à lui-même n’est autre chose qu’un pauvre animal nu, fourchu comme toi – Loin de moi, apparences empruntées ; allons, défaites-vous.

Il arrache ses habits.

Le fou. – Noncle, je te prie, calme-toi ; c’est une mauvaise nuit pour y nager. Maintenant un peu de feu dans une plaine sauvage ressemblerait bien au cœur d’un