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Glocester. – Le duc est à blâmer en ceci : on prendra mal la chose.

Il sort.

Kent. – Bon roi, tu vas, suivant le proverbe populaire, quitter la bénédiction du ciel pour la chaleur du soleil – Approche-toi, flambeau de ce globe inférieur, afin qu’à tes rayons vivifiants je puisse lire cette lettre – Les miracles n’apparaissent presque jamais qu’aux malheureux. Je le vois, c’est de cordélia : elle a été fort heureusement instruite de ma marche mystérieuse – Elle trouvera moyen d’intervenir dans ces monstrueux désordres, et s’occupe à remédier aux pertes qui ont été faites – Je me sens excédé de fatigues et de veilles : profitez-en, mes yeux appesantis, pour ne pas voir cette honteuse demeure – Fortune, bonsoir ; souris encore une fois, et fais tourner ta roue. Il s’endort.



Scène III

Une partie de la bruyère. Entre Edgar.

Edgar. – J’ai entendu qu’on proclamait mon nom, et bien heureusement le creux d’un arbre m’a dérobé à leur poursuite. Il n’y a plus un port libre, pas un lieu où l’on n’ait placé des soldats, et où la plus extraordinaire vigilance n’épie l’occasion de me saisir. Tandis que je puis encore m’échapper, je veillerai à ma conservation – Il me vient dans l’idée de me déguiser sous la forme la plus abjecte et la plus pauvre par où la misère, au mépris de l’homme, l’ait jamais rapproché de la brute. Je souillerai mon visage de fange, je m’envelopperai les reins d’une couverture, je nouerai mes cheveux