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Cornouailles. – Qu’on apporte les ceps – Comme j’ai vie et honneur, il y restera jusqu’à midi.

Régane. – Jusqu’à midi ? Jusqu’à la nuit, seigneur, et toute la nuit aussi.

Kent. – Eh quoi ! madame, si j’étais le chien de votre père, vous ne me traiteriez pas ainsi.

Régane. – Mais pour son coquin, mon cher, je n’y manquerai pas.

Cornouailles. – C’est tout à fait un drôle de l’espèce de ceux dont nous parle notre sœur – Allons, qu’on apporte les ceps.

On apporte des ceps.

Glocester. – Permettez-moi de prier Votre Altesse de n’en pas agir ainsi. Sa faute est grande, et le bon roi son maître saura l’en punir ; mais la peine que vous voulez lui faire subir ne s’applique qu’aux petits larcins et aux délits vulgaires des misérables les plus vils et les plus méprisés. Le roi prendrait sûrement en mauvaise part que vous l’eussiez assez peu considéré dans la personne de son messager pour mettre celui-ci dans les ceps.

Cornouailles. – Je le prends sur moi.

Régane. – Et ma sœur pourrait trouver bien plus mauvais qu’un de ses gentilhommes eût été insulté, attaqué, parce qu’il exécutait les ordres dont elle l’a chargé – Allons, entravez-lui les jambes. Au duc. — Venez, mon bon seigneur, allons.

On met Kent dans les ceps – Régane et Cornouailles sortent.

Glocester. – J’en suis bien fâché pour toi, mon ami : c’est la volonté du duc, et tout le monde sait qu’il ne faut pas chercher à l’adoucir ni à le retenir. Mais j’intercéderai pour toi.

Kent. – N’en faites rien, seigneur, je vous prie. J’ai veillé, j’ai beaucoup marché ; je vais dormir quelque temps, et puis je sifflerai : la fortune d’un honnête homme peut sortir de ses talons. Je vous souhaite le bonjour.