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un gouverneur ; elle l’a renvoyé aussi froid qu’une boule de neige et disant ses prières.

La Femme : Boult, emmène-la ; fais-en ce qu’il te plaira ; brise le cristal de sa virginité, et rends le reste malléable.

Boult : Elle serait un terrain plus épineux qu’elle n’est, qu’elle serait labourée je vous le promets.

Marina : Dieux, à mon secours !

La Femme : Elle conjure, emmène-la. Plût à Dieu qu’elle n’eût jamais mis le pied dans ma maison. Au diable ! elle est née pour être notre ruine. Ne voulez-vous pas faire comme les femmes ? Malepeste ! madame la précieuse !

(La femme sort.)

Boult : Venez, madame, venez avec moi.

Marina : Que me voulez-vous ?

Boult : Vous prendre le bijou qui vous est si précieux.

Marina : Je t’en prie, dis-moi une chose d’abord.

Boult : Allons, voyons, je vous écoute.

Marina : Que désirerais-tu que fût ton ennemi ?

Boult : Je désirerais qu’il fût mon maître, ou plutôt ma maîtresse.

Marina : Ni l’un ni l’autre ne sont aussi méchants que toi, car leur supériorité les rend meilleurs que tu n’es. Tu remplis une place si honteuse, que le démon le plus tourmenté de l’enfer ne la changerait pas pour la sienne. Tu es le portier maudit de chaque ivrogne qui vient ici chercher une créature. Ton visage est soumis au poing de chaque coquin de mauvaise humeur. La nourriture qu’on te sert est le reste de bouches infectées.

Boult : Que voudriez-vous que je fisse ? Que j’aille à la guerre où un homme servira sept ans, perdra une jambe et n’aura pas assez d’argent pour en acheter une de bois !

Marina : Fais tout autre chose que ce que tu fais. Va vider les égouts, servir de second au bourreau ; tous les métiers valent mieux que le tien. Un singe, s’il pouvait