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impie, je consentirais à être changée par eux en l’oiseau le plus humble de ceux qui fendent l’air pur.

Lysimaque : Je ne pensais pas que tu aurais parlé si bien, je ne t’en aurais jamais crue capable. Si j’avais porté ici une âme corrompue, ton discours m’eût converti. Voilà de l’or pour toi, persévère dans la bonne voie, et que les dieux te donnent la force.

Marina : Que les dieux vous protègent !

Lysimaque : Ne crois pas que je sois venu avec de mauvaises intentions. Les portes et les croisées de cette maison me sont odieuses. Adieu, tu es un modèle de vertu, et je ne doute pas que tu n’aies reçu une noble éducation. Arrête, voici encore de l’or. Qu’il soit maudit, qu’il meure comme un voleur celui qui te ravira ta vertu. Si tu entends parler de moi, ce sera pour ton bien.

(Au moment où Lysimaque tire sa bourse, Boult entre.)

Boult : Je vous prie, seigneur, de me donner la pièce.

Lysimaque : Loin d’ici, misérable geôlier ! Votre maison, sans cette vierge qui la soutient, tomberait et vous écraserait tous. Va-t’en !

(Lysimaque sort.)

Boult : Qu’est-ce que ceci ? Il faut changer de méthode avec vous. Si votre prude chasteté, qui ne vaut pas le déjeuner d’un pauvre, ruine tout un ménage, je veux qu’on fasse de moi un épagneul. Venez.

Marina : Que voulez-vous de moi ?

Boult : Faire de vous une femme, ou en charger le bourreau. Venez, nous ne voulons plus qu’on renvoie d’autres seigneurs ; venez, vous dis-je.

(La femme rentre.)

La Femme : Comment ? de quoi s’agit-il ?

Boult : De pire en pire, notre maîtresse : elle a fait un sermon au seigneur Lysimaque.

La Femme : Ô abomination !

Boult : Elle fait cas de notre profession comme d’un fumier.

La Femme : Malepeste ! qu’elle aille se faire pendre.

Boult : Le gouverneur en aurait agi avec elle comme