Le Maître : Très-bien. Suivez-moi, mes maîtres ; vous allez avoir votre argent sur l’heure. Femme, reçois-la ; instruis-la de ce qu’elle a à faire, afin qu’elle ne soit pas trop novice.
(Le maître sort avec les pirates.)
La Femme : Boult, prends son signalement, la couleur de ses cheveux, son teint, sa taille, son âge et l’attestation de sa virginité ; puis crie : Celui qui en donnera le plus l’aura le premier. Un tel pucelage ne serait pas bon marché, si les hommes étaient encore ce qu’ils furent. Allons, obéis à mes ordres.
Boult : Je vais m’en acquitter.
(Boult sort.)
Marina : Hélas ! pourquoi Léonin a-t-il été si mou, si lent ? Il aurait dû frapper et non parler. Pourquoi ces pirates n’ont-ils pas été assez barbares pour me réunir à ma mère, en me précipitant sous les flots ?
La Femme : Pourquoi vous lamentez-vous, ma belle ?
Marina : Parce que je suis belle.
La Femme : Allons, les dieux se sont occupés de vous.
Marina : Je ne les accuse point.
La Femme : Vous êtes tombée entre mes mains, et vous avez chance d’y vivre.
Marina : J’ai eu d’autant plus tort d’échapper à celles qui m’auraient tuée !
La Femme : Et vous vivrez dans le plaisir.
Marina : Non.
La Femme : Oui, vous vivrez dans le plaisir, et vous goûterez toutes sortes de messieurs ; vous ferez bonne chère ; vous apprendrez la différence de tous les tempéraments. Quoi ! vous vous bouchez les oreilles !
Marina : Êtes-vous une femme ?
La Femme : Que voulez-vous que je sois, si je ne suis une femme ?
Marina : Une femme honnête, ou pas une femme.
La Femme : Malepeste ! ma petite chatte, j’aurai à faire avec vous, je pense. Allons, vous êtes une petite folle ; il faut vous parler avec des révérences.
Marina : Que les dieux me défendent !
La Femme : S’il plaît aux dieux de vous défendre par