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que nous avons tombera en pièces au premier coup de vent ; elles sont trop cuites que cela fait pitié.

Le Maître : Tu dis vrai ; en conscience elles sont trop malsaines. Le pauvre Transylvanien est mort pour avoir couché avec la petite drôlesse.

Boult : Comme elle l’a vite expédié ; elle en a fait du rôti pour les vers ! -Mais je vais au marché.

(Boult sort.)

Le Maître : Trois ou quatre mille sequins seraient un assez joli fonds pour vivre tranquilles et abandonner le commerce.

La Femme : Pourquoi abandonner le commerce, je vous prie ? Est-il honteux de gagner de l’argent quand on se fait vieux ?

Le Maître : Oh ! le renom ne va pas de pair avec les profits, ni les profits avec le danger. Ainsi donc, si dans notre jeunesse nous avons pu nous acquérir une jolie petite fortune, il ne serait pas mal de fermer notre porte. D’ailleurs, nous sommes dans de tristes termes avec les dieux, et cela devrait être une raison pour nous d’abandonner le commerce.

La Femme : Allons, dans d’autres métiers on les offense aussi bien que dans le nôtre.

Le Maître : Aussi bien que dans le nôtre, oui, et mieux encore : mais la nature de nos offenses est pire ; et notre profession n’est pas un métier ni un état. Mais voici Boult.

(Les pirates entrent avec Boult et entraînent Marina.)

Boult, à Marina : Ici. (À Marina.) Venez par ici. Messieurs, vous dites qu’elle est vierge ?

Premier Pirate : Nous n’en doutons pas.

Boult : Maître, j’ai avancé un haut prix pour ce morceau ; voyez : si elle vous convient, cela va bien. Sinon, j’ai perdu mes arrhes.

La Femme : Boult, a-t-elle quelques qualités ?

Boult : Elle a une jolie figure ; elle parle bien, a de belles robes : quelles qualités voulez-vous de plus ?

La Femme : Quel prix en veut-on ?

Boult : Je n’ai pas pu l’avoir à moins de mille pièces d’or.