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même. À sa naissance (où présida Lucine), la nature la combla de ses dons ; et toutes les planètes s’assemblèrent pour réunir en elle leurs différentes perfections.

(Entre la fille d’Antiochus.)

Périclès : Voyez-la venir, parée comme le printemps. Les grâces sont ses sujettes, et sa pensée, reine des vertus, dispense la gloire aux mortels. Son visage est le livre des louanges, où l’on ne lit que de rares plaisirs, comme si le chagrin en était expulsé pour toujours, et que la colère farouche ne pût jamais être la compagne de sa douceur. Ô vous, dieux qui me créâtes homme et sujet de l’amour, vous qui avez allumé dans mon sein le désir de goûter le fruit de cet arbre céleste ou de mourir dans l’aventure, soyez mes soutiens ; fils et serviteur de vos volontés, que je puisse obtenir cette félicité infinie.

Antiochus : Prince Périclès…

Périclès : Qui voudrais être fils du grand Antiochus.

Antiochus : Devant toi est cette belle Hespéride avec ses fruits d’or qu’il est dangereux de toucher, car des dragons qui donnent la mort sont là pour t’effrayer. Son visage, comme le ciel, t’invite à contempler une gloire inestimable à laquelle le mérite seul peut prétendre, tandis que tout ton corps doit mourir par l’imprudence de ton œil, si le mérite te manque. Ces princes jadis fameux, amenés ici comme toi par la renommée, et rendus hardis par le désir, avec leur langue muette et leurs pâles visages qui n’ont d’autres linceuls que ce champ d’étoiles, t’avertissent qu’ils ont péri martyrs dans la guerre de Cupidon. Leurs joues mortes te dissuadent de te jeter dans le piège inévitable de la mort.

Périclès : Antiochus, je te remercie : tu as appris à ma nature mortelle à se connaître et tu prépares mon corps à ce qu’il sera un jour, par la vue de ces objets hideux. Car le souvenir de la mort devrait être comme un miroir qui nous fait voir que la vie n’est qu’un souffle : s’y fier est une erreur. Je ferai donc mon testament ; et comme font ces malades qui connaissent le monde, voient le ciel, mais qui, sentant la douleur, ne tiennent plus comme autrefois aux plaisirs de ce monde. Je