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Albanie. – Jusqu’où s’étend la portée de votre vue, c’est ce que j’ignore. En nous agitant pour trouver le mieux, nous gâtons souvent le bien.

Gonerille. – Mais en ce cas…

Albanie. – Bien, bien ; on verra l’événement.

Ils sortent.



Scène V

Une cour devant le palais d’Albanie. Entrent Lear, Kent, le fou.

Lear, à Kent – Prenez les devants, et rendez-vous à Glocester avec cette lettre. N’informez ma fille de ce que vous pouvez savoir qu’autant qu’elle vous questionnera sur ma lettre. Si vous ne faites pas la plus grande diligence, j’y arriverai avant vous.

Kent. – Je ne dormirai point, seigneur, que je n’aie remis votre lettre.

Il sort.

Le fou. – Si la cervelle d’un homme était dans ses talons, ne courrait-elle pas risque de gagner des engelures ?

Lear. – Oui, mon enfant.

Le fou. – Alors tiens-toi en gaieté, je te conseille, car ton esprit n’ira pas en pantoufles.

Lear. – Ha, ha, ha !

Le fou. – Tu verras comme ton autre fille se conduira tendrement avec toi, car, bien qu’elle ressemble autant à celle-ci qu’une pomme sauvage à une reinette, cependant je puis dire ce que je puis dire.

Lear. – Qu’as-tu à dire, mon enfant ?

Le fou. – Il n’y aura pas dans ce cas-ci plus de différence de goût entre elles deux qu’entre une pomme sauvage et une pomme sauvage. Saurais-tu me dire pourquoi on a le nez au milieu du visage ?

Lear. – Non.

Le fou. – Eh ! vraiment, c’est pour qu’il y ait un œil