Lear. – Qu’on ne me fasse pas attendre le dîner une seule minute : allez, servez-le. Sort un domestique. — Ah ! ah ! qui es-tu, toi ?
Kent. – Un homme, seigneur.
Lear. – Qu’est-ce que tu sais faire ? Que veux-tu de nous ?
Kent. – Je sais n’être pas au-dessous de ce que je parais ; servir fidèlement celui qui aura confiance en moi ; aimer celui qui est honnête ; converser avec celui qui est sage et qui parle peu ; redouter les jugements ; me battre quand je ne peux pas faire autrement ; et ne pas manger de poisson.
Lear. – Qui es-tu ?
Kent. – Un très-honnête garçon, aussi pauvre que le roi.
Lear. – Si tu es aussi pauvre pour un sujet qu’il l’est pour un roi, tu es assez pauvre. Que veux-tu ?
Kent. – Du service.
Lear. – Qui voudrais-tu servir ?
Kent. – Vous.
Lear. – Me connais-tu, maraud ?
Kent. – Non, seigneur ; mais vous avez dans votre physionomie quelque chose qui fait que j’aimerais à vous dire : Mon maître.
Lear. – Qu’est-ce que c’est ?
Kent. – De l’autorité.
Lear. – De quel service es-tu capable ?
Kent. – Je puis garder d’honnêtes secrets ; courir à cheval, à pied ; gâter une histoire intéressante en la