mon maître, et rappelé dans mes prières comme mon puissant patron…
Lear. – L’arc est bandé et tiré ; évite le trait.
Kent. – Qu’il tombe sur moi, dût le fer pénétrer dans la région de mon cœur ! Kent peut manquer au respect quand Lear devient insensé – Que me feras-tu, vieillard ? — Penses-tu que le devoir puisse craindre de parler quand le devoir fléchit devant la flatterie ? L’honneur est tenu à la franchise, quand la majesté souveraine s’abaisse à la démence. Rétracte ton arrêt ; répare, par une plus mûre délibération, ta monstrueuse précipitation. Que ma vie réponde ici de mon jugement : ta plus jeune fille n’est pas celle qui t’aime le moins ; ce ne sont pas des cœurs vides, ceux dont le son peu élevé ne retentit point d’un bruit creux.
Lear. – Kent, sur ta vie, pas un mot de plus.
Kent. – Je n’ai jamais regardé ma vie que comme un pion à hasarder contre tes ennemis ; je ne crains pas de la perdre, si c’est pour te sauver.
Lear, en colère – Ote-toi de ma vue.
Kent. – Regardes-y mieux, Lear, et laisse-moi demeurer devant tes yeux comme leur fidèle point de vue.
Lear. – Cette fois, par Apollon !…
Kent. – Cette fois, par Apollon, ô roi, tu prends le nom de tes dieux en vain.
Lear, mettant la main sur son épée – Vassal ! mécréant !
Albanie et Cornouailles. – Cher seigneur, arrêtez.
Kent. – Continue, tue ton médecin, et donne le salaire à ta funeste maladie. Révoque tes dons, ou, tant que mes cris pourront s’échapper de ma poitrine, je te dirai que tu fais mal.
Lear. – Écoute-moi, faux traître, sur ton allégeance, écoute-moi : comme tu as tenté de nous faire violer notre serment, ce que nous n’avons encore jamais osé,