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Thisbé : c’est à elle à paraître maintenant, et je vais la chercher des yeux à travers la muraille. Vous verrez que tout cela va arriver juste comme je vous l’ai dit. Tenez, la voilà qui vient. »

THISBÉ. — « Ô muraille ! tu as souvent entendu mes plaintes de ce que tu séparais mon beau Pyrame et moi : mes lèvres vermeilles ont souvent baisé tes pierres cimentées avec de la chaux et de la bourre ! »

PYRAME. — « Je vois une voix ; je veux m’approcher de la fente, pour voir si je peux entendre le visage de ma Thisbé. — Thisbé ! »

THISBÉ. — « Mon amant ! Tu es mon amant, je crois. »

PYRAME. — « Crois ce que tu voudras ; je suis ton cher amant, et je suis toujours fidèle comme Liandre[1]. »

THISBÉ. — « Et moi, comme Hélène, jusqu’à ce que les destins me tuent. »

PYRAME. — « Jamais Saphale[2] ne fut si fidèle à Procrus. »

THISBÉ. — « Comme Saphale fut fidèle à Procrus, je le suis pour toi. »

PYRAME. — « Oh ! donne-moi un baiser par le trou de cette odieuse muraille. »

THISBÉ. — « Je baise le trou de la muraille, et point tes lèvres. »

PYRAME. — « Veux-tu venir tout à l’heure me rejoindre à la tombe de Ninny ? »

THISBÉ. — « À la vie ou à la mort, j’y vais sans délai. »

LA MURAILLE. — « Moi, muraille, me voilà à la fin de mon rôle ; et, mon rôle étant fini, c’est ainsi que la muraille s’en va. » (La Muraille, Pyrame, Thisbé, sortent.)

THÉSÉE. — Maintenant la voilà donc à bas la muraille qui séparait les deux voisins.

DÉMÉTRIUS. — Il n’y a pas de remède, mon prince, quand les murailles sont si prestes à entendre sans en prévenir.

  1. Il y a, dans ce texte, Limandre. Liandre est le mot consacré dans nos parades ; le beau Liandre pour Léandre.
  2. Saphale pour Céphale, Procrus pour Procris.