Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 3.djvu/459

Cette page n’a pas encore été corrigée

THÉSÉE. — Je me demande si le lion doit parler.

DÉMÉTRIUS. — Il n’y a rien d’étonnant à cela, mon prince : un lion peut parler, si tant d’ânes le peuvent[1].

LA MURAILLE. — « Dans le même intermède, il se trouve que moi, qui de mon nom m’appelle Snout, je représente une muraille, et une muraille qui, veuillez m’en croire, a un trou ou une crevasse, par laquelle les deux amants, Pyrame et Thisbé, murmuraient souvent en secret. Cette chaux, ce crépi et cette pierre vous montrent que je suis précisément cette muraille : voilà la vérité. Et voici à droite et à gauche l’ouverture, la lézarde par laquelle ces timides amants doivent se parler tout bas. »

THÉSÉE. — Peut-on demander à la chaux et à la bourre de mieux parler ?

DÉMÉTRIUS. — C’est, mon prince, le mur le plus spirituel que j’aie jamais entendu.

THÉSÉE. — Voilà Pyrame qui s’approche de la muraille : silence.

PYRAME. — « Ô nuit au lugubre visage, ô sombre nuit ! ô nuit, qui es toujours, quand le jour n’est plus ! ô nuit ! ô nuit ! hélas ! hélas ! je crains bien que ma Thisbé n’ait oublié sa promesse ! —Et toi, ô muraille ! ô douce et aimable muraille ! qui est élevée entre le terrain de son père et le mien ! toi, muraille ! ô muraille ! ô muraille ! ô aimable et douce muraille, montre-moi ta lézarde, que je puisse regarder au travers avec mes yeux ! (La muraille écarte ses doigts.) Je te rends grâces, courtoise muraille ; que Jupiter te protége en récompense ! Mais, que vois-je ? Je ne vois point de Thisbé ! Ô maudite muraille, au travers de laquelle je ne vois point mon bonheur ; maudites soient tes pierres, pour me tromper ainsi ! »

THÉSÉE. — La muraille, étant sensible, devrait, ce me semble, le maudire à son tour.

PYRAME. — « Non, monsieur ; en vérité, elle ne le doit pas.—Me tromper ainsi, est la réclame du rôle de

  1. Allusion à une fable de l’Estrange : les Ânes juges de paix.