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farce vraiment tragique_. — Tragique et comique à la fois ! courte et ennuyeuse ! C’est comme qui dirait de la glace chaude, et de la neige d’une espèce aussi rare. Comment accorder ces contraires ?

PHILOSTRATE. — C’est, mon prince, une pièce longue de quelque dizaine de mots, ce qui est aussi court qu’aucune pièce de ma connaissance ; mais avec ces dix mots, mon prince, elle est encore trop longue, ce qui la rend ennuyeuse ; car, dans toute la pièce, il n’y a pas un mot à sa place, ni un seul acteur propre à son rôle ; et c’est une pièce tragique, mon prince ; car Pyrame se tue lui-même à la fin : ce qui, je vous l’avoue, quand je l’ai vu répéter, a rendu mes yeux humides ; mais de larmes plus gaies, que n’en ont jamais fait jaillir les plus bruyants éclats de rires.

THÉSÉE. — Quels sont les acteurs ?

PHILOSTRATE. — Des artisans, aux mains calleuses, qui travaillent ici dans Athènes, mais qui n’ont jamais travaillé d’esprit jusqu’à ce moment ; ils se sont avisés aujourd’hui de charger de cette pièce leur mémoire inexercée, pour la cérémonie de vos noces.

THÉSÉE. — Nous voulons la voir jouer.

PHILOSTRATE. — Non, mon noble duc ; elle n’est pas digne de vous : je l’ai entendue d’un bout à l’autre, et cela ne vaut rien, rien au monde ; à moins que vous ne trouviez quelque amusement dans leur intention, en les voyant se tourmenter, et réciter avec tant de peine, pour plaire à Votre Altesse.

THÉSÉE. — Je veux entendre cette pièce : tout ce qui est offert par la simplicité et le zèle est toujours bien. Allez, faites-les venir. — Et vous, mesdames, prenez vos places. (Philostrate sort.)

HIPPOLYTE. — Je n’ai pas de plaisir à voir des malheureux échouer, et le zèle succomber dans ses efforts pour plaire.

THÉSÉE. — Hé ! ma chère, vous ne verrez pas cela non plus.

HIPPOLYTE. — Il dit qu’ils ne peuvent rien faire de supportable en ce genre.