Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 3.djvu/412

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dans les forêts, dans les prairies, auprès des claires fontaines, ou des ruisseaux bordés de joncs, ou sur les plages de la mer, pour danser nos rondes au sifflement des vents, que tu n’aies troublé nos jeux de tes clameurs. Aussi les vents, qui nous faisaient entendre en vain leur murmure, comme pour se venger, ont pompé de la mer des vapeurs contagieuses, qui, venant à tomber sur les campagnes, ont tellement enflé d’orgueil de misérables rivières qu’elles ont surmonté leurs bords. Le bœuf a donc porté le joug en vain : le laboureur a perdu ses sueurs, et le blé vert s’est gâté avant que le duvet eût revêtu le jeune épi. Les parcs sont restés vides au milieu de la plaine submergée, et les corbeaux s’engraissent de la mortalité des troupeaux : les jeux de merelles[1] sont comblés de fange, et les jolis labyrinthes serpentant sur la folâtre verdure ne peuvent plus se distinguer parce qu’on ne les fréquente plus. Les mortels de l’espèce humaine[2] sont sevrés de leurs fêtes d’hiver ; il n’y a plus de chants, plus d’hymnes, plus de noëls qui égayent les longues nuits. — Aussi la lune, cette souveraine des flots, pâle de courroux, inonde l’air d’humides vapeurs, qui font pleuvoir les maladies catarrhales[3] : et, au milieu de ce trouble des éléments, nous voyons les saisons changer ; les frimas, à la blanche chevelure, tomber sur le tendre sein de la rose vermeille ; le vieux hiver étale, comme par dérision, autour de son menton et de sa tête glacée, une guirlande de tendres boutons de fleurs. Le printemps, l’été, le fertile automne, l’hiver chagrin, échangent leur livrée ordinaire ; et le monde étonné ne peut plus les distinguer par leurs productions. Toute cette série de maux provient de nos débats et de nos dissensions ;

  1. Jeu de merelles, figure composée de plusieurs carrés que les bergers ou les enfants tracent sur le gazon.
  2. Il y a dans le texte human mortals : cette épithète, qui semble redondante, sert à marquer la différence entre les hommes et les fées. Celles-ci ne font pas partie de l’humanité, quoique soumises à la mort comme les hommes.
  3. Observation juste sur la constitution médicale de l’atmosphère.