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en un clin d’œil
comme un étranger qui ne m’aurait pas vu depuis vingt ans ; il a refusé
de me rendre ma propre bourse, dont je lui avais recommandé de se servir
il n’y avait pas une demi-heure.

VIOLA.--Comment cela peut-il être ?

LE DUC.--Depuis quand ce jeune homme est-il venu dans cette ville ?

ANTONIO.--D’aujourd’hui, seigneur. Et nous étions ensemble depuis trois
mois, sans nous être quittés d’un instant, d’une seule minute, ni le
jour ni la nuit.

(Entre Olivia avec sa suite.)

LE DUC.--Voici la comtesse qui s’avance : voilà le ciel qui se promène
sur la terre. (À Antonio.) Quant à toi, mon ami, ce que tu dis est
de la démence. Il y a trois mois que ce jeune homme est attaché à mon
service.--Mais nous reparlerons tout à l’heure.--Qu’on l’emmène à
l’écart.

OLIVIA.--Que désire mon seigneur, excepté ce qu’Olivia ne peut lui
accorder, en quoi puis-je lui rendre service ? --Césario, vous ne me tenez
pas votre parole.

VIOLA.--Madame ?

LE DUC.--Aimable Olivia.

OLIVIA.--Que dites-vous, Césario ? --Mon cher seigneur….

VIOLA.--Son Altesse veut parler ; et mon respect m’impose silence.

OLIVIA.--Si c’est toujours sur l’ancien air, seigneur, il est aussi
dissonant, aussi fâcheux à mon oreille, que des hurlements après la
musique.

LE DUC.--Toujours aussi cruelle ?

OLIVIA.--Toujours aussi constante, seigneur.

LE DUC.--Quoi ! jusqu’à l’entêtement ? Vous, cruelle dame, qui avez vu mon
cœur offrir à vos autels ingrats et défavorables les vœux les plus
fidèles que la dévotion ait jamais offerts ! Que dois-je faire ?

OLIVIA.--Tout ce qui plaira à Votre Seigneurie qui puisse lui convenir.

LE DUC.--Pourquoi ne ferais-je pas, si j’avai