Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 3.djvu/176

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si les conséquences
sont comme les baisers, quatre négations équivalent à deux
affirmations[66]. Voilà pourquoi je suis mal pour mes amis et bien pour
mes ennemis.

[Note 66 : Apparemment allusion aux non d’une jeune fille, qui veulent
souvent dire oui.]

LE DUC.--Ton explication est excellente.

LE BOUFFON.--Par ma foi ! non, monsieur, quoiqu’il vous plaise d’être un
de mes amis.

LE DUC.--Tu ne diras pas que tu sois mal par ma faute : voilà de l’or.

LE BOUFFON.--Si ce n’est que cela aurait l’air de duplicité, monsieur,
je voudrais que vous pussiez redoubler.

LE DUC.--Ah ! tu me donnes là un mauvais conseil.

LE BOUFFON.--Mettez votre grandeur dans votre poche, seigneur, pour
cette seule fois, et laissez obéir la chair et le sang.

LE DUC.--Allons, je veux bien être assez grand pécheur pour me rendre
coupable de duplicité : voilà une seconde pièce.

LE BOUFFON.--Primo, secundo, tertio, c’est un beau jeu, et le vieux
proverbe dit que la troisième fois paye pour toutes les autres : les
triples, monsieur, sont une vive et joyeuse mesure ; et les cloches de
Saint-Bennet, monsieur, peuvent vous rappeler, une, deux, trois.

LE DUC.--Tu ne m’attraperas plus d’argent ce coup-ci. Si tu veux faire
savoir à ta maîtresse que je suis ici pour lui parler, et l’amener avec
toi, cela pourrait encore réveiller ma générosité.

LE BOUFFON.--Ah ! monsieur, bercez-la, votre générosité, jusqu’à ce
que je revienne ; j’y vais, monsieur. Mais je ne voudrais pas que vous
crussiez que mon désir d’avoir est le péché de convoitise. Mais comme
vous le dites, monsieur, je vous en prie, que votre générosité fasse un
somme, et je viendrai la réveiller tout à l’heure.

(Le bouffon sort.)

(Entrent Antonio et officiers de justice.)

VIOLA.--Seigneur, voici l’homme qui m’a sauvé.

LE DUC.--Je me rappelle bien son visage, et cependant