ACTE QUATRIÈME
SCÈNE I
La rue, devant la maison d’Olivia.
Entrent SÉBASTIEN et LE BOUFFON.
LE BOUFFON.--Voudriez-vous me faire croire que ce n’est pas vous qu’on
m’a envoyé chercher ?
SÉBASTIEN.--Va-t’en, va-t’en ; tu n’es qu’un fou. Débarrasse-moi de ta
personne.
LE BOUFFON.--Fort bien soutenu, ma foi ! Non, sans doute, je ne vous
connais pas ; et je ne vous suis pas envoyé par ma maîtresse pour vous
dire de venir lui parler, et votre nom n’est pas monsieur Césario, et ce
nez n’est pas à moi non plus ? --Non, tout ce qui est n’est pas.
SÉBASTIEN.--Je t’en prie, va exhaler ta folie ailleurs. Tu ne me connais
point.
LE BOUFFON.--Exhaler ma folie ! Il a entendu dire ce mot par quelque
grand homme, et maintenant il l’applique à un fou. Exhaler ma folie !
J’ai bien peur que ce grand lourdaud, qu’on appelle le monde,
ne devienne tout à fait badaud. Je vous en prie instamment,
débarrassez-vous de cet air de surprise, et dites-moi ce que je dois
exhaler à ma maîtresse ; irai-je lui exhaler que vous allez venir ?
SÉBASTIEN.--Je t’en conjure, Grec sans cervelle[61], laisse-moi ; voilà
de l’argent pour toi : si tu restes plus longtemps, je te payerai d’une
plus mauvaise monnaie.
[Note 61 : Grec est ici pour entremetteur, comme Corinthe se disait pour
un lieu de déb
Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 3.djvu/166
Cette page n’a pas encore été corrigée