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ureur.

VIOLA.--Je vous prie, monsieur, qui est-ce ?

SIR TOBIE.--Il est chevalier ; il a reçu l’accolade avec une rapière
sans brèche et sur un tapis[58] : mais c’est un démon dans une querelle
privée : il a déjà fait divorcer trois âmes et trois corps ; et sa furie
est dans ce moment si implacable, qu’il n’y a point d’autre satisfaction
qu’il accepte que l’agonie de la mort et le tombeau : à toute
outrance[59] est son mot ; il faut la donner ou la recevoir.

[Note 58 : C’est un chevalier de salon : Carpet-knight.]

[Note 59 : « Hob nob, corruption de ces mots : let it happen or not. »
(STEEVENS.)]

VIOLA.--Je vais rentrer dans la maison, et demander à madame Olivia
quelques avis sur la conduite que je dois tenir. Je ne suis point un
duelliste. J’ai ouï parler de certaines gens qui suscitent exprès des
querelles aux autres, pour éprouver leur valeur : probablement que c’est
un homme de cette espèce.

SIR TOBIE.--Non ; son indignation vient d’une injure très-positive : ainsi
avancez, et donnez-lui satisfaction. Vous ne retournerez point à la
maison, à moins que vous ne veuilliez tenter avec moi ce que vous pouvez
avec autant de sûreté vider avec lui. Ainsi, en avant ou tirez votre
épée de son fourreau : car il faut vous battre, cela est certain ; ou bien
renoncer à porter cette arme à votre côté.

VIOLA.--Mais cela est aussi incivil qu’étrange. Je vous en conjure,
rendez-moi le bon service de savoir du chevalier en quoi je l’ai
offensé, cela vient peut-être d’une négligence de ma part, mais non
certainement de mes intentions.

SIR TOBIE.--Je le veux bien ; seigneur Fabian, restez auprès de ce
gentilhomme jusqu’à mon retour.

(Sir Tobie sort.)

VIOLA.--De grâce, monsieur : êtes-vous instruit de cette affaire ?

FABIAN.--Ce que je sais, c’est que le chevalier est irrité contre
vous, au point de vouloir un duel à mort ; mais je ne sais rien des