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me cela.

FABIAN.--Nous aurons une bonne lettre de lui : mais vous ne la remettrez
pas à son adresse ?

SIR TOBIE.--Si fait, ou ne te fie jamais à ma parole ; je veux user de
tous les moyens pour exciter le jeune homme à y répondre. Je crois que
ni bœufs, ni câbles ne pourront jamais venir à bout de les joindre ;
car, pour sir André, si on l’ouvrait et qu’on trouvât seulement autant
de sang dans son foie qu’il en faut pour embarrasser le pied d’une
mouche, je consens à manger le reste de la dissection.

FABIAN.--Et son adversaire, le jeune page, ne porte pas sur sa figure de
grands symptômes de férocité.

(Entre Marie.)

SIR TOBIE.--Vois, voici le plus jeune roitelet de la couvée qui vient à
nous.

MARIE.--Si vous voulez vous dilater la rate, et que vous soyez curieux
de rire à vous tenir les côtés, suivez-moi. Ce stupide Malvolio est
changé en païen, en vrai renégat : car il n’est point de chrétien, pour
peu qu’il veuille être sauvé en croyant la vérité, qui puisse jamais
croire à des extravagances pareilles et aussi grossières : il est en bas
jaunes.

SIR TOBIE.--Et les jarretières en croix ?

MARIE.--De la plus ridicule manière ; comme un pédant qui tient école
dans l’église.--Je l’ai suivi pas à pas, comme si j’eusse été son
assassin ; il obéit de point en point à la lettre que j’ai laissé tomber
pour lui faire niche. Pour sourire, il contourne son visage en plus
de lignes qu’il n’y en a dans la nouvelle carte, augmentée encore des
Indes : vous n’avez jamais rien vu de semblable. J’ai bien de la peine
à m’empêcher de lui lancer quelque chose à la tête. Je sais que ma
maîtresse lui donnera quelque soufflet ; si elle le fait, il sourira
encore, et le prendra pour une faveur signalée.

SIR TOBIE.--Allons, mène-nous, mène-nous où il est.