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me de ce plaisir, que je
sois rongé de mélancolie jusqu’à en mourir.

SIR TOBIE.--Ne serais-tu pas bien aise de voir ce gredin, cette
canaille, ce galefretier, essuyer quelque notable avanie ?

FABIAN.--Oh ! j’en serais transporté. Vous savez qu’il m’a fait perdre
les bonnes grâces de ma maîtresse, à l’occasion d’un combat d’ours.

SIR TOBIE.--Pour le mettre en fureur, nous ferons revenir l’ours, et
nous le ferons écumer de colère jusqu’à ce qu’il en soit noir et bleu.
N’est-ce pas, sir André ?

SIR ANDRÉ.--Si nous ne le faisons pas, c’est fait de notre vie.

(Entre Marie.)

SIR TOBIE.--Voici notre petite scélérate.--Eh bien ! comment vous va, mon
ortie des Indes[45] ?

[Note 45 : « Apparemment l’ortie marine, qui abonde dans les mers de
l’Inde. » (JOHNS OX.)]

MARIE.--Cachez-vous tous trois dans le bosquet de buis : Malvolio descend
le long de cette allée ; il était là-bas, au soleil, l’air occupé,
faisant des politesses à son ombre depuis une demi-heure : observez-le,
je vous en prie, si vous aimez à rire ; car je suis certaine que cette
lettre va faire de lui un idiot en extase. Cachez-vous, au nom de la
plaisanterie ! (Ils se cachent.)--Tenez-vous là (Marie laisse
tomber une lettre) ; car voici la truite qu’il faut attraper en la
chatouillant.

(Marie sort.)

(Entre Malvolio.)

MALVOLIO.--C’est la fortune : tout est une affaire de fortune. Marie m’a
dit une fois que sa maîtresse avait du penchant pour moi, et je l’ai
entendue elle-même aller jusqu’à dire que si jamais elle prenait une
fantaisie, ce serait pour un homme de ma physionomie ; de plus, elle
me traite avec des égards plus distingués qu’aucun de ceux qui sont
attachés à son service. Que dois-je penser de tout cela ?

SIR TOBIE.--Ce coquin a bien de la présomption.

FABIAN.--Oh ! paix ! ses contemplations