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l’amour qu’une femme peut concevoir pour moi, et celui que j’ai pour
Olivia.

VIOLA.--Oui, mais je sais….

LE DUC.--Que sais-tu ?

VIOLA.--Je sais trop bien l’amour que les femmes ont pour les hommes. Je
vous l’assure, elles ont le cœur aussi fidèle que nous. Mon père avait
une fille qui aimait un homme, comme il se pourrait par aventure que
moi, si j’étais femme, j’aimasse Votre Altesse.

LE DUC.--Et quelle est son histoire ?

VIOLA.--Une page blanche[44], seigneur. Jamais elle n’a déclaré son
amour, mais elle a laissé sa passion, cachée comme le ver dans le
bouton, dévorer les roses de ses joues : elle languissait dans ses
pensées ; et, pâle et mélancolique, elle était tranquille comme la
patience sur un monument, souriant à la douleur. N’était-ce pas là
véritablement de l’amour ? Nous autres hommes, nous pouvons en dire
davantage, en jurer davantage : mais, en vérité, nos démonstrations vont
plus loin que notre volonté ; car toujours nous prouvons beaucoup par nos
serments, et bien peu par notre amour.

[Note 44 : À blank.]

LE DUC.--Mais ta sœur est-elle morte de son amour, mon enfant ?

VIOLA.--Je suis tout ce qui reste de filles dans la maison de mon père,
et de frères aussi, et cependant je ne sais….--Seigneur, irai-je
trouver cette dame ?

LE DUC.--Oui, voilà ce dont il s’agit. Vole vers elle ; donne-lui ce
bijou : dis-lui que mon amour ne peut céder ni supporter aucun refus.

(Ils sortent.)

SCÈNE V
Le jardin d’Olivia.

SIR TOBIE, SIR ANDRÉ et FABIAN.

SIR TOBIE.--Viens avec nous, seigneur Fabian.

FABIAN.--Oui, je viendrai ; si je perds un ato