Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 3.djvu/112

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un homme malhonnête de se corriger, s’il se
corrige, il ne sera plus malhonnête, et s’il ne peut se corriger, que le
ravaudeur le corrige ; tout ce qui dans le monde est corrigé n’est que
rapetassé : la vertu qui s’égare n’est que rapetassée de vice, et le vice
qui s’amende n’est que rapetassé de vertu. Si ce syllogisme tout simple
peut me servir, à la bonne heure ; sinon, quel remède ? Comme il n’y a
point d’homme vraiment déshonoré autre que le misérable, de même
la beauté n’est qu’une fleur.--La dame a commandé de faire sortir
l’imbécile ; en conséquence, je le répète, faites-la sortir.

OLIVIA.--Monsieur, je leur ai commandé de vous faire sortir.

LE BOUFFON.--Une méprise du plus haut degré ! Madame, cuclus non facit
monachum[22] ; c’est comme qui dirait, je ne porte pas d’habit de fou
dans le cerveau. Bonne madonna, donnez-moi la permission de prouver que
vous êtes une folle.

[Note 22 : Le capuchon ne fait pas le moine.]

OLIVIA.--Peux-tu le prouver ?

LE BOUFFON.--Très-adroitement, bonne madonna.

OLIVIA.--Voyons ta preuve.

LE BOUFFON.--Il faut que je vous catéchise pour cela, madame.--Ma bonne
petite souris de vertu, répondez-moi.

OLIVIA.--Allons, monsieur, à défaut d’autre passe-temps, je vous
demanderai votre preuve.

LE BOUFFON.--Bonne madame, pourquoi êtes-vous en deuil ?

OLIVIA.--Mon cher fou, pour la mort de mon frère.

LE BOUFFON.--Je crois, madame, que son âme est en enfer.

OLIVIA.--Moi, je sais, fou, que son âme est dans le ciel.

LE BOUFFON.--Vous n’en êtes que d’autant plus folle, madame, d’être en
deuil, de ce que l’âme de votre frère est dans le ciel.--Emmenez la
folle, messieurs.

OLIVIA.--Que pensez-vous de ce fou, Malvolio ? Ne s’amende-t-il pas ?