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ACTE 1, SCENE I. 169

FaDfarcs, Enirenl ANTOINE cl CLÉOPATRE, accompagnés de leur Suiio ; des Eunuques agilenl des évenlails devant la reine.

PHILON , continuant. Examinez-les attentivement, et dans l’une (les trois colonnes qui soutiennent le monde vous ne verrez plus que le jouet d’une courtisane. Regardez et voyez.

CLÉOPATRE, à Antoine. Si c’est là de l’amour, dis-moi à quel degré.

ANTOINE. C’est un bien pauvre amour que celui dont on peut faire l’évaluation précise,

CLÉOPATRE. Je veux fixer la limite de l’amour et déterminer jusqu’où il peut s’étendre.

ANTOINE. En ce cas, il te faut découvrir de nouveaux cieux et une terre nouvelle.

Entre DN SERVITEUR.

LE SERVITEUR. Des nouvelles de Rome, mon seigneur.

ANTOINE. Tu m’importunes ; — Sois bref.

CLÉOPATRE. Entends-les, Antoine : Fulvia est peut-être courroucée ; ou qui sait si l’imberbe César, te faisant signifier ses ordres souverains, ne t’envoie pas dire : — « Fais ceci, ou cela ; subjugue ce royaume ; aflVancbis cet autre ; obéis, ou nous consommons ta ruine ? »

ANTOINE. Quoi donc, mon amour ?

CLÉOPATRE. Peut-être , — et c’est ce qu’il y a de plus pro- bable, — il l’est interdit de rester ici plus longtemps ; César t’envoie l’ordre de partir ; écoute cet ordre, Antoine. — Où est le commandement signifié par Fulvia, — par César, veux- je dire, — par tous deux ? — Fais entrer les messagers. — Aussi vrai que je suis reine d’Egypte, tu rougis, Antoine ; et ta rougeur est un hommage que tu rends à César : ou bien, elle est l’indice de ta confusion, alors que la voix glapissante de Fulvia te gronde. — Fais entrer les messagers.

ANTOINE. Que Rome s’abîme dans le Tibre, et que la voûte immense qui soutient l’empire s’écroule ! Voilà mon univers ; les royaumes ne sont que de l’argile : et la terre fangeuse nour- rit indifféremment l’homme et la brute. Le plus noble emploi de la vie, c’est de faire ce que je fais maintenant, ( il embrasse Cléopâlre) quand la nature a réuni un couple tel que nous ; et il faut que le monde sache, sous peine de châtiment, que ce couple ici-b.is n’a pas son pareil.

CLÉOPATRE. Délicieux mensonge ! Pourquoi l’époux de Ful-

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