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36 LE MARCHAND DE VENISE.

TUBAL. A perdu un de ses vaisseaux venant de Tripoli. SHYLOCK. Dieu soit loué ! Dieu soit loué ! — Est-ce vrai ? est-ce vrai ?

TUBAL. J’ai parlé à des matelots échappés au naufrage. SHYLOCK. Je te remercie, mon cher Tubal ; — bonnes nouvelles ! bonnes nouvelles ! ah ! ah ! où cela ? à Gênes ? TUBAL. On m’a dit qu’à Gênes votre fille, en une seule soirée, a dépensé quatre-vingts ducats. SHYLOCK. Tu m’enfonces un poignard dans le cœur ; — je ne reverrai plus mon or : quatre-vingts ducats d’un seul coup ! quatre-vingts ducats ! TUBAL. En revenant à Venise, j’ai voyagé en société de plusieurs créanciers d’Antonio ; ils disent qu’il ne saurait éviter de faire banqueroute. SHYLOCK. J’en suis ravi : je le ferai souffrir, je le mettrai à la torture ; j’en suis ravi. TUBAL. L’un d’eux m’a montré une bague qu’il avait eue de votre fille pour un singe. SHYLOCK. La malheureuse ! Tu m’assassines, Tubal : c’était ma turquoise, que j’avais achetée de Léah étant encore garçon : je ne l’aurais pas donnée pour un régiment de singes. TUBAL. Mais il est certain qu’Antonio est ruiné. SHYLOCK. Oui, c’est vrai ; c’est très-vrai : va, Tubal , procure-moi un huissier ; retiens-le quinze jours d’avance : s’il ne me paye pas, il faut que j’aie son cœur ; car une fois qu’il ne sera plus à Venise , je puis faire toutes les opérations qu’il me plaira : va , va, Tubal , et viens me retrouver à la synagogue ; va, mon cher Tubal ; à la synagogue, Tubal. Ils s’éloignent.

SCÈNE II.

Belmont. — Une salle dans le château de Portia. Les coffres sont découverts. Entrent BASSAMO, PORTIA, et leur suite ; GRATIANO et NÉRISSA. PORTIA. Ne vous pressez pas, je vous en conjure ; attendez un jour ou deux avant de courir la chance ; car si vous choisissez mal, je perds votre société ; veuillez donc différer encore ; quelque chose me dit (ce quelque chose n’est pas de l’amour) que je ne voudrais pas vous perdre ; et vous savez qUe ce n’est pas la haine qui donne de pareils conseils : mais, pour me