ACTE CINQUIÈME.
Scène I.
Maintenant le dénoûment approche, mes charmes réussissent ; mes Esprits obéissent, et le temps marche sous son fardeau sans trébucher. À quelle heure sommes-nous ?
À la sixième heure, époque à laquelle tu as dit, mon seigneur, que nos travaux cesseraient.
Je l’ai dit au moment où j’ai commencé à soulever la tempête. Dis-moi, mon génie, comment vont le roi et sa suite ?
Ils sont tous prisonniers en l’état où tu me les as remis, et tels que tu les as laissés ; ils sont tous renfermés dans le petit bois de tilleuls qui abrite ta grotte ; ils ne peuvent bouger de là jusqu’à ce que tu les délivres. Le roi, son frère, ainsi que le tien, sont livrés au plus violent désespoir ; les autres, pleins de douleur et d’effroi, gémissent sur eux ; principalement ce vertueux vieillard que tu nommes Gonzalve ; ses larmes coulent le long de sa barbe, comme les pluies de l’hiver sur les tiges des roseaux ; tes charmes ont si énergiquement opéré sur eux, que si tu les voyais maintenant, tu en aurais pitié.
Tu crois, Ariel ?
Mon cœur en serait ému si j’étais homme.
Et le mien ne restera pas insensible. Toi qui n’es qu’un air impalpable, tu t’émeus du spectacle de leur affliction ; et moi qui appartiens à leur espèce, moi qui m’affecte et me passionne aussi vivement qu’eux, je ne serais pas pénétré d’une pitié plus vive encore ? Bien que blessé au vif par les cruelles injures que j’en ai reçues, néanmoins je me range du parti de ma raison contre ma colère : il y a plus de mérite dans la vertu que dans la vengeance ; puisqu’ils se repentent, mon but est atteint. Va, mets-les en liberté, Ariel ; je vais briser mes charmes, leur restituer la raison et les rendre à eux-mêmes.