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ACTE IV, SCÈNE I.


FERDINAND et MIRANDA.

Puissiez-vous retrouver le calme !

Ils sortent.
PROSPÉRO.

Accours, prompt comme la pensée. {À Ferdinand et Miranda, qui s’éloignent.) Je vous remercie. — Ariel, viens.


Entre ARIEL.


ARIEL.

Je m’unis à ta pensée ; quels sont tes ordres ?

PROSPÉRO.

Esprit, il faut nous préparer à faire face à Caliban,

ARIEL.

Oui, mon maître ; pendant que je représentais Cérés, l’idée m’est venue de t’en parler ; mais j’ai craint de te mettre en colère.

PROSPÉRO.

Redis-moi où tu as laissé ces misérables.

ARIEL.

Comme je te l’ai dit, ils étaient échauffés par l’ivresse, si pleins de vaillance, qu’ils battaient l’air pour avoir eu l’audace de leur souffler dans la figure, et frappaient la terre, assez hardie pour toucher la plante de leurs pieds ; cependant ils continuaient à persister dans leur projet. J’ai fait résonner mon tambourin : à ce bruit, tu les aurais vus, semblables à des poulains indomptés, relever l’oreille, projeter leurs paupières et flairer l’air, comme pour aspirer l’harmonie ; j’ai tellement charmé leur oreille, qu’ils m’ont suivi comme le veau suit sa mère, à travers les buissons, les orties et les épines, qui leur déchiraient la peau. Enfin, je les ai laisses enfoncés jusqu’au menton dans la mare bourbeuse qui avoisine ta grotte, et se débattant dans la fange fétide où leurs pieds sont engagés.

PROSPÉRO.

À merveille, mon mignon ; continue à rester invisible ; va me chercher la défroque qui est dans ma grotte, elle me servira d’appât pour prendre ces voleurs.

ARIEL.

J’y vais, j’y vais.

Il sort.
PROSPÉRO.

Caliban, un véritable démon, un démon de naissance, sur qui l’éducation ne peut rien ; tous les soins que mon humanité lui a donnés l’ont été en pure perte ; son esprit comme son corps enlaidit avec l’âge. Je vais les tourmenter tous d’importance, de manière à les faire rugir de douleur… {Ariel rentre chargé de vêtements brillants.) Va, range-les sur cette corde.


Entrent CALIBAN, STÉPHANO et TRINCULO, tout trempés.


CALIBAN.

Marchez doucement, je vous prie ; faites en sorte que la taupe aveugle n’entende point le bruit de vos pas ; nous voilà près de sa grotte.