que vous trois, vous avez dépouillé le vertueux Prospéro de son duché de Milan ; que vous l’avez exposé, lui et sa fille innocente, à la merci de l’Océan, qui vous l’a bien rendu. Pour punir ce forfait, l’éternelle puissance, ajournant sa vengeance, mais ne l’oubliant pas, a soulevé contre vous et la mer et la terre et toutes les créatures. Toi, Alonzo, elle t’a privé de ton fils ; elle t’annonce par ma voix que des malheurs persévérants, plus terribles qu’une mort immédiate, s’attacheront à toi et à tes actes ; sa fureur, dans cette île désolée, ne saurait manquer de t’atteindre, et tu ne peux la conjurer que par un cœur contrit et une vie irréprochable.
Mon Ariel, tu as parfaitement rempli ton rôle de harpie ; il y avait de la grâce jusque dans ta voracité ; dans ce que tu avais à dire, tu n’as oublié aucune de mes instructions : il en est de même de mes agents subalternes ; ils ont mis dans leurs rôles beaucoup de vérité et d’intelligence. Mes grands charmes opèrent. Mes ennemis sont enchaînés dans leur délire ; maintenant ils sont en mon pouvoir ; je les laisse à leur frénésie, pendant que je vais revoir le jeune Ferdinand qu’ils croient noyé, et celle qui nous est si chère à tous deux.
Au nom de ce qu’il y a au monde de plus saint, seigneur, pourquoi êtes-vous plongé dans cette stupéfaction étrange ?
Ô effrayant prodige ! il m’a semblé que les vagues parlaient et me reprochaient mon crime ; les vents sifflaient à mes oreilles ; le tonnerre, par la voix de son orgue immense et sonore, modulait le nom de Prospéro et semblait former la base de ce concert de malédictions. Maintenant, je n’en puis plus douter, mon fils est couché dans le limon des mers ; j’irai le chercher plus avant que n’a jamais pénétré la sonde, et m’ensevelir avec lui.
Un démon seul à la fois, et je défie au combat leurs légions.
Je serai ton second.
Un même égarement s’est emparé de tous trois ; leur forfait, comme ces poisons qui n’opèrent que longtemps