Page:Shakespeare - Œuvres complètes, Laroche, 1842, vol 1.djvu/54

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
28
LA TEMPÊTE.

Entre STÉPHANO en chantant. Il tient une gourde à la main.


STÉPHANO.

Voyage, voyage,
Voyage qui voudra ;
Moi je reste au rivage,
Et je veux mourir là.


C’est un drôle d’air pour un enterrement ; voilà qui me réconfortera.

Il boit.

Le canonnier, le mousse et moi.
Et le capitaine, ma foi,
Nous avons chacun sa chacune.
Jolie ou laide, blonde ou brune ;
Mais avec Kate à l’œil mutin
L’abordage n’est pas certain :
Si vous voulez lui parler d’un air tendre,
Elle répond : Allez vous faire pendre,
Allez, allez vous faire pendre.


C’est encore là un air assez triste ; mais voici mon réconfort.

Il boit.
CALIBAN

Ne me tourmente pas. Oh !

STÉPHANO.

Qu’y a-t-il ? avons-nous des diables dans cette île ? veut-on nous donner des mascarades de sauvages et d’hommes de l’Inde ? Ah ! je n’ai pas échappé à la noyade pour que maintenant vos quatre jambes me fassent peur ; car il a été dit : L’homme le plus solide qui marcha jamais à quatre pattes ne lui fera pas perdre terre. Et on continuera de le dire tant que Stéphane respirera par les narines.

CALIBAN.

L’esprit me tourmente. Oh !

STÉPHANO.

Ce doit être quelque monstre de cette île ; un monstre à quatre jambes, que la fièvre tourmente, j’imagine. Où diable aurait-il appris notre langue ? Quand ce ne serait que pour cela, je vais lui donner quelque soulagement. Si je réussis à le guérir, à l’apprivoiser et à l’emmener à Naples, ce sera un présent digne d’être offert au plus grand empereur qui ait jamais marché sur du cuir de vache.

CALIBAN

Je t’en prie, ne me tourmente pas ; j’apporterai mon bois plus vite.

STÉPHANO

Il est dans une de ses attaques maintenant, et ne parle pas le plus sensément du monde. Il faut que je lui fasse goûter de ma bouteille : s’il n’a jamais bu de vin auparavant, cela pourra lui faire passer sa crise. Si je le guéris et