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LA TEMPÊTE.

GONZALVE.

Anges du ciel, sauvez le roi !

ALONZO.

Qu’y a-t-il donc ? Holà ! éveillez-vous ! Pourquoi ces épées nues ? pourquoi ces sinistres regards ?

GONZALVE.

Qu’avez-vous ?

SÉBASTIEN.

Pendant que nous étions ici à veiller sur votre repos, nous avons entendu de sourds rugissements comme de taureaux, ou plutôt de lions. Ce bruit ne vous a-t-il pas éveillés ? Il a frappé mon oreille d’une manière terrible.

ALONZO.

Je n’ai rien entendu.

ANTONIO.

Oh ! c’était un vacarme à épouvanter l’oreille d’un monstre, à faire trembler la terre ! Ce ne pouvait être que les rugissements de toute une troupe de lions.

ALONZO.

Les avez-vous entendus, Gonzalve ?

GONZALVE.

Sur mon honneur, seigneur ; j’ai entendu je ne sais quel étrange murmure qui m’a éveillé : je vous ai secoué et j’ai crié ; en ouvrant les yeux j’ai vu des glaives tirés. Un bruit s’est fait entendre ; c’est la vérité. Nous ferons bien de nous tenir sur nos gardes et de quitter ce lieu. Mettons l’épée à la main.

ALONZO.

Étoignons-nous d’ici, et continuons nos recherches pour découvrir mon malheureux fils.

GONZALVE.

Le ciel le garde de ces bêtes sauvages ! car, sans nul doute, il est dans cette île.

ALONZO.

Marchez, je vous suis,

ARIEL, à part.

Prospéro mon maître saura ce que j’ai fait. Va, prince, va sans crainte à la recherche de ton fils.

Ils sortent.




Scène II.

Une autre partie de l’île.


Entre CALIBAN, portant une charge de bois. Le bruit du tonnerre se fait entendre dans le lointain.


CALIBAN.

Que toutes les infections que le soleil pompe dans les eaux croupies, les marécages et les fondrières, se répandent sur Prospéro, et ne fassent de lui qu’une plaie ! Ses génies m’entendent, et pourtant je ne puis m’empêcher de le maudire. Mais, sans son ordre, je ne crains pas qu’ils me pincent, qu’ils m’effrayent par des apparitions diaboliques, me plongent