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ACTE I, SCÈNE II.
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ANTONIO.

C’est vrai : aussi voyez comme mes vêtements me vont bien ; cent fois mieux qu’auparavant ; les serviteurs de mon frère étaient alors mes égaux, ils sont maintenant à mes ordres.

SÉBASTIEN.

Mais votre conscience !

ANTONIO.

Eh ! seigneur, où gît-elle ? Si c’était une engelure, elle m’obligerait à mettre des pantoufles ; mais je ne sens pas dans mon sein la présence de cette divinité ; vingt consciences, interposées entre Milan et moi, auront le temps de se calciner ou de se fondre avant de me troubler ! Ici est étendu votre frère, qui ne vaudrait pas mieux que la terre sur laquelle il est couché s’il était ce à quoi il ressemble ; je puis avec trois pouces de cet obéissant acier l’envoyer dormir pour toujours ; pendant que vous, imitant mon exemple, vous pouvez plonger dans l’éternel silence cet antique personnage, ce sir Prudence, afin qu’il ne puisse trouver à redire à nos actes. Quant aux autres, ils adopteront nos idées comme un chat lappe le lait qu’on lui présente ; ils se tiendront prêts à exécuter toutes les entreprises que nous jugerons opportunes.

SÉBASTIEN

Cher ami, ton exemple me servira de précédent ; je gagnerai Naples comme tu as obtenu Milan ; tire ton épée ; un coup t’affranchira du tribut que tu payes, et moi, le roi, je t’aimerai.

ANTONIO.

Tirons simultanément nos épées : quand je lèverai le bras, imitez-moi, et frappez Gonzalve.

SÉBASTIEN.

Un mot encore.

Ils s’entretiennent à voix basse ; on entend les sons de la musique.
ARIEL rentre invisible.
ARIEL.

La science de mon maître lui a fait connaître le danger que courraient ici ses amis, et il m’envoie pour sauver leurs jours ; autrement son projet échoue.

Il chante à l’oreille de Gonzalve.

 :  : Quand la vertu sommeille,
 :  : Ici le crime veille,
 :  : Et des sujets sans foi
 :  : Vont immoler leur roi.
 :  : À ma voix qui t’éveille,
 :  :  :  : Lève-toi !
 :  :  :  : Lève-toi !

Ils s’éveillent.
ANTONIO.

En ce cas, soyons prompts tous les deux.