Je n’ai pas le moindre espoir qu’il ne soit point noyé.
Oh ! sur ce manque d’espoir, quel immense espoir vous fondez ! N’avoir point d’espérances de ce côté, c’est en avoir d’un autre, de si vastes, que le regard de l’ambition elle-même ne saurait aller plus loin, et désespère de rien découvrir au delà. M’accordez-vous que Ferdinand est noyé ?
Il n’est plus !
Alors dites-moi quel est l’héritier présomptif de la couronne de Naples.
Claribel.
Elle, la reine de Tunis ; elle qui habite dix lieues par delà les limites de la vie ; elle à qui, pour recevoir des nouvelles de Naples, il faut un temps si long, que dans l’intervalle les mentons des nouveau-nés ont le temps d’avoir de la barbe, à moins que le soleil ne fasse l’office de courrier (l’homme dans la lune serait trop lent encore) ; elle pour laquelle nous avons tous été engloutis dans la mer, bien que quelques-uns de nous aient été sauvés, destinés que nous sommes à accomplir un acte dont le passé est le prologue ! ce qui doit suivre, c’est à vous et à moi à l’exécuter.
Quels étranges discours me tenez-vous là ? que me dites-vous ? Il est bien vrai que la fille de mon frère est reine de Tunis ; il est vrai aussi qu’elle est héritière de la couronne de Naples, et qu’entre ces régions il y a un certain espace.
Un espace dont chaque coudée semble crier : Comment fera cette Claribel pour nous franchir jusqu’à Naples ? Qu’elle reste à Tunis, et que Sébastien s’éveille ! Supposez que ce soit la mort qui maintenant s’est emparée d’eux ! eh bien, ils ne seraient pas plus mal qu’ils ne sont : il se trouverait des gens pour gouverner Naples aussi bien que celui qui dort ; des seigneurs qui parleraient aussi abondamment et aussi inutilement que ce Gonzalve ; moi-même je serais homme à jouer de la langue tout aussi bien que lui. Oh ! si vous pensiez comme moi ! comme ce sommeil servirait à votre élévation ! Me comprenez-vous ?
Il me semble que oui.
Et comment accueillez-vous votre bonne fortune ?
Je me souviens que vous avez supplanté votre frère Prospéro.