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xij NOTICE SUR SHAKSPEARE. Le public connaît nos principes en matière de traduction ; nous avons eu occasion de les appliquer aux œuvres de lordByron, et le public les a sanctionnés de son suffrage. Dans les œuvres de Shakspeare, nous avions à lutter contre des difficultés d’un autre ordre. Byron, poëte contemporain, exprime des idées qui sont les nôtres ; ses sympathies et ses haines trouvent de l’écho dans nos cœurs et dans nos intelligences. Dans Shakspeare, tout change. Les temps modernes s’effacent ; nous sommes transportés au moyen âge ; les choses et les hommes ne sont ni les hommes ni les choses d’à présent ; les événements sont autres : la langue qu’on y parle n’est plus la nôtre. Aussi pour le traducteur les difficultés redoublent ; nous ne nous Qattons pas de les avoir toutes surmontées. Avant nous, les traductions n’étaient que des imitations plus ou moins habiles, plus ou moins ingénieuses, de l’auteur original ; le style, ce vêtement de la pensée, était celui non de l’auteur, mais du traducteur. L’originalité disparaissait, remplacée par la monotonie. Une phraséologie verbeuse étouffait la majesté de Milton, l’énergie de Byron, la pittoresque expression de Shakspeare. Nous pensâmes que c’était là un faux système ; nous nous appliquâmes à reproduire nonseulement le fond, mais aussi la forme, non-seulement la pensée, mais encore le langage. Le public nous a su gré de nos efforts, qu’un légitime succès a couronnés. Alors est venu le troupeau des imitateurs, servum pecus. Ils se sont mis à l’œuvre. Leurs productions sont sous les yeux du public ; c’est à lui de les juger, et nous aurions mauvaise grâce à devancer son arrêt. Seulement nous nous permettrons de dire que la tâche d’un traducteur habile et fidèle n’est pas aussi facile que certaines gens voudraient le faire croire. Traduire fidèlement, ce n’est pas mettre servilement le mot sous le mot ; c’est là un procédé qui n’est pas neuf, et qui, dans nos collèges, est depuis longtemps pratiqué par les élèves de sixième. Traduire fidèlement, c’est empreindre son style de la couleur de l’écrivain original ; c’est lutter de talent et de génie avec son auteur ; c’est être gracieux avec Spencer, brillant et pur avec Pope, concis et nerveux avec Bacon, majestueux avec ftlilton, énergique et pittoresque avec Dryden. il faut avoir fait de son auteur une étude longue et persévérante ; il faut en avoir une connaissance complète et intime ; il faut en outre s’être initié à toutes les ressources de sa propre langue ; il faut s’être