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NIGAUDIN. Merci, je préfère me promener ici. Je me suis meurtri le menton l’autre jour en faisant des armes avec un maître d’escrime ; trois bottes pour un plat de pruneaux cuits ; depuis ce temps, je ne puis supporter l’odeur d’un mets chaud. Pourquoi vos chiens aboyent-ils comme cela ? Y a-t-il des ours dans la ville ?

ANNA, le regardant de la tête aux pieds. Je pense qu’il y en a, monsieur, je l’ai entendu dire.

NIGAUDIN. J’aime beaucoup ce divertissement ; ce n’est pas que je n’y trouve à redire autant qu’homme d’Angleterre. Vous avez peur, n’est-ce pas, quand vous voyez l’ours déchaîné ?

ANNA. Certainement, monsieur.

NIGAUDIN. Moi, maintenant, j’y suis fait : vingt fois j’ai vu Sackerson lâché ; je l’ai même pris par le bout de sa chaîne : mais je vous assure que sur son passage les femmes jetaient des cris, mais des cris ! Il est vrai que les femmes ne les peuvent souffrir ; ce sont de hideuses créatures.

Revient PAGE.

PAGE. Venez donc, mon cher monsieur Nigaudin ; nous vous attendons.

NIGAUDIN. Je n’ai besoin de rien prendre, monsieur, je vous remercie.

PAGE. Parbleu ! vos excuses sont inutiles, monsieur ; venez, venez.

NIGAUDIN. Passez le premier, je vous prie.

PAGE. Voyons, monsieur, avancez.

NIGAUDIN. Miss Anna, veuillez, passer la première.

ANNA.. Non, monsieur, après vous.

NIGAUDIN. Je ne passerai certainement pas le premier, là ; je ne vous ferai pas cette impolitesse.

ANNA. Je vous en prie, monsieur.

NIGAUDIN. Eh bien, j’aime mieux être incivil qu’importun ; mais c’est manquer à ce qui vous est dû, là.

Ils entrent chez M. Page.