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118 LES DEUX GENTILSHOMJIES DE VÉRONE. VALE ?^TIN , o part. Gomme tout ce que je vois, tout ce que j’enleutls ressemble à un rêve ! Amom- ! domie-moi la patience de me contenir quelques instants. SiLViE. .Malheureuse que je suis ! PROTÉE. Vous étiez malheureuse, madame, avant que je vinsse ; mais par mon arrivée je vous ai rendue heureuse. SILVIE. Ta présence me rend la plus malheureuse des femmes. JULIE , à part. Et moi aussi, quand il est près de toi. • SILVIE. Si j’avais été saisie par un hon aiïamé, j’eusse mieux aimé lui servir de proie ([ue de devoir ma délivrance au fourbe Prêtée. Cieux ! je vous en prends à témoin, autant j’aime Va- lentin, dont la vie m’est aussi chère que mon âme, autant, car au delà est impossible, je déteste le traître, le parjure Protée : va-t’en donc et cesse tes solUcitations. PROTÉE. Quelle action périlleuse, dût-il y aller de ma vie, n’accomplirais-je pas pour obtenir de vous un seul regard affec- tueux ? Ah ! c’est une malédiction en amour, et maintenant je l’éprouve, lorsque aimant une femme on n’en peut être aimé. SILVIE. Lorsque aimé d’une femme, Protée ne peut l’aimer. Rappelle-toi le cœur de Juhe ! Julie, ton premier amour pas- sionné ; Julie, jwur laquelle naguère tu déchiras ta foi eu mille serments ; et voilà que pour m’aimer tous ces serments ont abouti à un parjure. Tu n’as plus ta foi maintenant, à moins que tu n’en eusses deux, ce qui est pire mille fois que de n’en point avoir ; mieux vaut n’en avoir point que de l’avoir double, ce qui est une de trop, traître à ton ami ! PROTÉE. En amour, qui respecte l’amitié ? SILVIE. Tous les hommes, hormis Protée. PROTÉE. Eh bien , puisque des paroles de douceur ne peu- vent t’ameuer h concevoii’ j)our moi des sentiments ])lus doux, je triompherai de toi en soldat, à la pointe de l’épéc, et con- trairement à la nature de l’amom" : pour me faire aimer j’aurai recours à la force. SILVIE. O ciel ! PROTÉE. De gré ou de force tu céderas à mes désirs. VALEMIN. Scélérat ! écarte la main brutale, lâche et perfide ami ! PROTÉE. Valentin î VALEî^TiN. Ami vulgaire, sans affection et sans foi, conmie ils le sont tous, traître ! tu as trompé mes espérances ; il fallait