Page:Shakespeare - Œuvres complètes, Laroche, 1842, vol 1.djvu/13

Cette page n’a pas encore été corrigée

NOTICE SUR SHAKSPEARE. iij suites judiciaires, obligea, dit-on, le jeune Shakspeare à chercher un refuge dans la capitale et à s’y créer des moyens d’existence. Nous ne savons ce qu’il peut y avoir de vrai dans ce récit, qui, du reste, n’a rien de trop invraisemblable, et que la plupart des commentateurs ont adopté. Shakspeare arriva à Londres en 1386 ; il avait alors vingt-deux ans. À quelle occupation se livra d’abord le jeune fugitif ? C’est ce qu’il nous serait encore difficile d’établir avec certitude. Quoi qu’il en soit, il ne tarda pas à devenir comédien et à entrer dans la troupe de l’un des théâtres de Londres les plus en vogue, celui de Blackfriars. Chargé d’abord de rôles subalternes, son mérite le fit bientôt parvenir à des emplois plus élevés ; tout porte même à croire qu’il devint un acteur assez distingué ; mais s’il n’avait que ce titre aux suffrages de la postérité, il y a longtemps que son nom serait tombé dans l’oubli. Incontestablement Shakspeare devait posséder une connaissance approfondie de l’art du comédien. Il suffit, pour s’en convaincre, de lire les conseils sensés, les préceptes habiles adressés par Hamlet aux acteurs qu’il a chargés de représenter une pièce de sa composition devant l’usurpateur du trône de Danemark. Dans ce drame d’Hamlet, la plus admirable peut-être des compositions de cet étonnant génie, la tradition rapporte qu’il jouait le rôle de l’ombre. On remarquera que, de tous les rôles des drames de Shakspeare, celui-là est peut-être le plus éloquemment écrit, le plus poétiquement beau, et c’est sans doute la raison pour laquelle le poëte l’affectionnait et voulait s’en charger lui-même. Le génie de Shakspeare ne tarda pas à s’allumer au contact du théâtre. Dans la profession de comédien, il n’avait d’abord cherché qu’une ressource, que des moyens d’existence ; mais ces moyens une fois assurés, l’incertitude sur son sort, l’inquiétude sur l’avenir, ayant fait place à la sécurité et à l’aisance, son génie se tourna de lui-même vers la pratique du grand art que son adolescence avait rêvé, vers la poésie. Le poëme ravissant de Vénus et Adonis fut, dit-on, son premier essai ; il porte en effet le cachet d’une âme jeune, d’une imagination adolescente. Lui-même il l’appelle : The first heir of his invention : le premier enfant de son imagination. Bien que ce poëme de Shakspeare n’ait été publié qu’en 1393, on s’accorde à assigner à