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LA TRAGÉDIE DE LOCRINE.

soleil d’or — lance ses chevaux dans les plaines de la belle Thétis, — voir les cours d’eau, transformés en torrents de sang, — échanger leur azur pour une pourpre sinistre, — à la suite du fatal massacre — qui va être consommé sur les plaines verdoyantes.

Entre le Spectre d’Albanact.
le spectre.

— Voyez comme le traître présage son malheur ; — voyez comme il se glorifie de sa propre chute ; — voyez comme il triomphe de sa propre perte ! — Ô fortune vile, inconstante, capricieuse, fragile !

humber.

— Il me semble voir les deux armées sur le champ de bataille. — Les lances brisées percent le cristal des cieux ; — les uns gisent sans tête sur le sol, les autres sans souffle ; — et la terre est partout jonchée de cadavres. — Voyez ! le gazon a perdu ce vert charmant — dont la vue était le plus doux spectacle.

le spectre.

— Oui, traître Humber, tu en feras l’expérience à tes dépens, — au milieu des angoisses, des douleurs et des lamentations ; — les prairies qui maintenant charment les regards — seront, avant la nuit, rouges de sang ; — les forêts ombreuses qui maintenant entourent ton camp — seront, avant la nuit, tout imprégnées de sang ; — le fleuve profond qui passe près de tes tentes — et abreuve tout ton camp de ses eaux — avant la nuit deviendra un torrent de sang, — et ce sang sera celui de tes recrues en déroute. — Car maintenant la vengeance va soulager ma trop longue douleur, — et maintenant la vengeance va rassasier mon âme avide.

Le spectre sort.