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LE PRODIGUE DE LONDRES.

puisque cette maudite engeance me maltraite ainsi, — je vais voir comment me traiteront les honnêtes gens.

Passe un vieux bourgeois.

Monsieur, je vous conjure d’avoir compassion d’un homme dont la condition a été beaucoup meilleure qu’elle ne semble l’être aujourd’hui. Si je pouvais seulement obtenir de vous de quoi retourner chez mes parents, je vous garderais toute ma gratitude, jusqu’au jour où je pourrais reconnaître dignement un tel service.

le vieux bourgeois.

— Fi, fi, jeune homme ! voilà une conduite fort blâmable. — Nous n’avons que trop de ces gueux-là par la cité. — Mais, comme je ne vous ai pas encore vu faire ce métier, — et que je ne vous ai point remarqué pour être un mendiant vulgaire, — tenez, voici un ange pour payer les frais — de votre voyage ; retournez dans votre famille ; ne vous fiez pas à ceci. — De si tristes commencements ont souvent de plus tristes fins.

Il sort.
mathieu.

— De plus tristes fins ! Bah ! si l’apparition d’un ange d’or — est le pis qui m’arrive, je ne m’en inquiète guère. — Maintenant, après un si heureux début, — je prétends ne pas laisser une bourse de six pence m’échapper. — Par la messe, voici encore quelqu’un !

Entre une bourgeoise, précédée d’un valet portant une torche.

Dieu vous bénisse, belle dame ! Si vous daignez, gentille femme, jeter les yeux sur la détresse d’un pauvre gentilhomme, un jeune cadet, je ne doute pas que Dieu ne vous rende triplement ce que vous lui aurez donné… Un homme qui jusqu’ici n’a jamais demandé un penny, un demi penny, un farthing !