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INTRODUCTION.

nisme sans trêve le génie de Shakespeare a failli être étouffé au berceau par le génie de Calvin.

Cette guerre acharnée, qui devait se terminer en 1648 par la fermeture brutale du théâtre, a été presque une guerre de cent ans. Dès les commencements du règne d’Élisabeth, le puritanisme veut proscrire le théâtre, et le poursuit de ses dénonciations. Il ne se contente pas de le dénoncer, il le calomnie. Contre son adversaire il fait arme de l’imposture même. À en croire le puritanisme, le théâtre engendre tous les fléaux et toutes les calamités ; il est la boîte de Pandore éternellement ouverte pour le malheur des hommes. Une peste se déclare-t-elle dans Londres ? Elle a le théâtre pour foyer. En 1575, un bourgeois puritain de la Cité, le recorder Fleetwood, écrit en propres termes, dans un rapport officiel adressé au conseil privé, la sentence que voici : « Jouer en temps de peste, c’est augmenter la peste par l’infection ; jouer en dehors du temps de peste, c’est attirer la peste, en offensant Dieu par la représentation de pareilles pièces. » Un arrêté de la corporation de Londres, daté du 6 décembre 1575, signé du maire James Hawes, et contresigné du susdit recorder Fleetwood, accuse le théâtre « d’être l’occasion de querelles et de rixes entre les jeunes gens, de fomenter l’incontinence par le rapprochement des deux sexes, de favoriser la séduction des filles, spécialement des orphelines, et la corruption des mineurs, de propager des discours et des actes contraires à la chasteté et à la décence, de détourner les sujets de Sa Majesté du service divin les dimanches et fêtes, de gaspiller l’argent des pauvres et des niais, de protéger le vol en attirant les filous et les coupeurs de bourses, de traiter des sujets séditieux, populaires et indiscrets ; » et, considérant « toutes ces énormités, » l’arrêté soumet à la censure de la cour des aldermen tous les ouvrages qui seront désormais joués dans la cité de Londres. À l’avenir quicon-