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SCÈNE XXIII.

aux bêtes sauvages, — pour considérer un cœur accablé de soucis — et prêter l’oreille à mes douloureux accents. — Nulle force humaine ne saurait désormais faire mon bonheur, — tant le chagrin a d’empire sur mon cœur ! — Vous, Dryades, Satyres au pied léger, — vous, gracieuses fées qui au crépuscule — quittez vos retraites pleines de célestes merveilles — et répandez vos tresses d’or sur vos épaules, — vous, ours sauvages qui vivez dans les antres et les cavernes sombres, — venez pleurer avec moi la mort du martial Locrine, — venez vous lamenter avec moi sur la mort de la belle Estrilde. — Ah ! chers parents, vous ne savez pas — combien Sabren souffre de votre perte.

guendeline.

— Est-il possible ! Se peut-il — que Sabren vive encore pour assouvir mon courroux ? — Fortune, je te remercie de tant de courtoisie. — Que je ne voie jamais une heure de prospérité, — si Sabren ne meurt pas d’une mort ignominieuse !

sabren.

— Mort implacable qui, quand les malheureux t’appellent, — t’éloignes et fais la sourde oreille, — mais qui, au milieu des faveurs de la Fortune, — viens nous surprendre pour faucher notre existence ! — Quand donc arrivera cette heure, cette heure bénie — où la pauvre Sabren en détresse pourra s’en aller de ce monde ? — Dame Atropos, tranche le fil de ma destinée. — Mort, que fais-tu donc ? La pauvre Sabren ne mourra donc pas ?

GUENDELINE, lui prenant le menton.

— Oui, mademoiselle, oui, Sabren mourra sûrement, — quand tout l’univers tenterait de lui sauver la vie. — Et Sabren mourra, non d’une mort vulgaire, — mais d’un étrange et douloureux supplice — qui va être infligé à sa bâtardise. — Tu vas être précipitée dans les flots maudits — pour repaître les poissons de ta tendre chair.