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SCÈNE II.

SCÈNE II.
[Le palais du prince de Tyr.]
Entrent Périclès, Hélicanus et d’autres seigneurs.
périclès.

— Que personne ne nous dérange… Pourquoi ces pensées qui m’oppressent ? — Cette triste compagne, la sombre mélancolie, — est si assidue auprès de moi que ni le jour — à la marche radieuse, ni la nuit pacifique, — (cette tombe où devrait dormir la douleur) — ne peuvent me donner une heure de repos. — Ici les plaisirs courtisent mes regards, et mes regards les évitent. — Le danger, que je redoutais, est à Antioche, — et le bras d’Antiochus semble bien trop court pour n’atteindre ici ; — pourtant la science du plaisir est impuissante à me réjouir, — et la distance de mon ennemi, à me rassurer. — Cela n’est que trop vrai ; les émotions morales — qui sont nées d’une frayeur exagérée — sont entretenues et alimentées par l’inquiétude ; — ce qui n’était d’abord que la crainte d’un malheur — devient à la longue la préoccupation de le prévenir. — C’est ma situation : le grand Antiochus, — avec qui je suis trop petit pour lutter, — (car il est si puissant qu’il fait de toutes ses volontés des actes,) — croira que je parlerai, quand je jurerais de me taire ; — et il ne me servirait de rien de lui dire que je l’honore. — s’il soupçonne que je puis le déshonorer ; — et, craignant des révélations qui le feraient rougir, — il les préviendra par tous les moyens ; — il inondera la contrée de troupes ennemies, — et déploiera un si formidable appareil de guerre — que la stupeur bannira le courage du pays. — Nos hommes seront vaincus, avant de com-