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APPENDICE.

l’honneur d’eux reçu en signe de reconnaissance ; enfin comme il se mit sur mer pour venir en Pentapole, et comme la tempête lui avait ravi ses gens et englouti tout son avoir et richesses :

Au son plaisant de si grande merveille,
Pendait de tous et le cœur et l’oreille.

Tellement, qu’il n’y eut pas un qui ne suivît Apollonie et ne l’imitât au gémir et pleurer, si bien que le festin de joie fut converti en larmes et tristesse jusqu’à ce que le roi dît à sa fille : — À ce que je vois (m’amie), au lieu d’apaiser l’angoisse de cet adolescent, vous en causez és cœurs de toute l’assistance ; je suis d’opinion que, pour effacer ce deuil, vous consoliez ce jeune gentilhomme, et tâchiez de lui faire oublier par votre largesse la mémoire de ses pertes.

Cette voix royale fut très-agréable à la fiile, qui déjà commençait à aimer Apollonie et s’était résolue de lui donner moyen de se remettre en bon ordre, et, pour ce, enhardie de l’octroi et licence que son père lui donnait, elle dit d’un visage riant à son futur époux :

— Monsieur, je vous prie de vous réjouir pour l’amour du roi et de moi qui vous en fais la requête, et ne vous souciez de chose aucune ; car, puisque vous êtes nôtre et que le roi me permet de vous aider, je vous ferai tel et si riche que vous aurez occasion de vous louer de nous et d’oublier cette mélancolie.

Le jeune prince s’humilia fort bassement devant elle, et, avec pleurs provenant de joie et d’un amour secret qui déjà se couvait en son cœur, lui rendit grâces, s’offrant à lui faire service à jamais ; et, bien que pour lors il fût sans aucun moyen et le plus pauvre gentilhomme de la terre, si est-ce que les dieux lui faisaient espérer par cette gracieuseté, et du roi et d’elle, qu’un jour il aurait moyen de les satisfaire par tout devoir de reconnaissance et obéissance.