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APPENDICE.

car je vois que tu viens demander celle qui sera cause de ta ruine.

— Si est-ce, dit Apollonie, sire, que je ne suis venu pour autre occasion que pour vous demander madame en mariage, laquelle étant issue de sang royal comme je suis, je peux justement requérir et sans mériter le titre de téméraire.

— C’est bien dit, réplique le roi, mais ignorez-vous quelles sont les conditions de cette alliance ?

— Entrant en votre palais, sire, dit l’adolescent, j’ai vu un tableau contenant votre arrêt et volonté en cette affaire ; par ainsi, s’il plaît à votre majesté, proposez la question, et je m’efforcerai d’y satisfaire ou de passer sous la sévérité et rigueur de votre loi.

Antiochus, marri et irrité de cette réponse, lui dit : — Tu ne fis jamais folie qui te coûtât si cher que celle-ci, et j’ai compassion de toi et de ta grande jeunesse ; mais, puisque c’est toi qui poursuis ton désastre, je m’en lave les mains et me déclare innocent de ta ruine ; et pour ce, voici mon énigme, et l’éclaircis, si tu ne veux perdre la vie :

De forfait agité, je cherche incessamment
De ma mère le fils, et le fils de ma femme ;
Me repais de ma chair, dont je vis en tourment.
Et de plusieurs les corps en demeurent sans âme.

Apollonie, oyant ceci, fut étonné de prime face, et, se tirant un peu a part, ayant obtenu ce petit délai du tyran, il rêva si bien là-dessus, qu’il en trouva l’interprétation si manifeste, qu’il n’y fallait point autre Œdipus pour l’éclaircir. Ainsi, revenant vers le roi, lui dit : — Vraiment, sire, votre question vous touche de bien près ; car le forfait vous bourrelle la conscience, et le reste du fait touchant à votre fille, ne faut chercher ailleurs que céans, ni le fils de votre mère, ni le beau-fils de votre femme.