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PÉRICLÈS, ÉDOUARD III ET ARDEN DE FEVERSHAM.

au matin de devant le châtel de Salisbury, vint le roi Édouard à (avec) tout son ost, à heure de midi, en la place où le roi d’Écosse avoit logé et fut moult courroucé quand il ne le trouva, car bien volontiers se fût combattu à lui.

Il étoit venu en si grand’hâte que ses gens et ses chevaux étoient durement travaillés. Si commanda que chacun se logeât là endroit, car il vouloit aller voir le châtel et la gentil dame qui laiens (dedans) étoit ; car il ne l’avoit vue puis (depuis) les noces dont étoit elle mariée.

Ainsi fut fait que commandé fut : chacun s’alla loger ainsi qu’il put et reposer qui voulut.

Sitôt comme le roi Édouard fut désarmé, il prit jusques à dix ou douze chevaliers, et s’en alla vers le châtel pour saluer la comtesse de Salisbury, et pour voir la manière des assauts que les Écossais avoient faits, et des défenses que ceux du châtel avoient faites à l’encontre.

Sitôt que la dame de Salisbury sut le roi venant, elle fit ouvrir toutes les portes, et vint hors si richement vêtue et atournée, que chacun s’en émerveillait et ne se pouvoit tenir de la regarder et de remirer à la grand’noblesse de la dame, avec la grand’beauté et le gracieux maintien qu’elle avoit. Quand elle fut venue jusques au roi, elle s’inclina jusques à terre contre lui, en le rengraciant (remerciant) de la grâce et du secours que fait lui avoit ; et l’emmena au châtel pour le fêter et honorer, comme celle qui très-bien le savoit faire.

Chacun la regardoit à merveille, et le roi même ne se put tenir de la regarder, et bien lui étoit avis qu’oncques n’avoit vue si noble, si frique (fraîche), ni si belle de li (qu’elle). Si le férit tantôt une étincelle de fine amour au cœur que madame Vénus lui envoya par Cupido le dieu d’amour, et qui lui dura par longtemps, car bien lui sembloit que au monde n’avoit dame que tant fit à aimer comme elle.

Si entrèrent au châtel main à main, et le mena la dame premier en la salle, et puis en sa chambre, qui étoit si noblement purée comme à lui afféroit (appartenoit) ; et toujours regardoit le roi la gentil dame, si ardemment qu’elle en devenoit toute honteuse et abaubie (ébaubie). Quand il l’eut grand’pièce regardée,