Page:Shakespeare, apocryphes - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1866, tome 2.djvu/317

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
319
SCÈNE VIII.

celée ! Maudites soient l’heure fatale — et toutes les causes qui m’ont enchantée !

mosby.

— Ah ! tu récrimines ! À mon tour maintenant de proférer les imprécations — Si vous tenez avec tant de scrupule à votre réputation, — laisse-moi regretter le crédit que j’ai perdu. — J’ai négligé des affaires importantes — qui auraient élevé ma fortune au-dessus de la tienne ; — j’ai laissé passer les occasions et gaspillé le temps. — Oui, Mosby a lâché la main droite de la fortune — pour prendre de la gauche une impure gourgandine. — J’ai renoncé à épouser une honnête fille, — dont la dot pesait plus que tout ce que tu possèdes, — et qui avait certes plus de beauté et de vertu que toi. — J’ai échangé pour un mal un bien très-certain, — et j’ai perdu mon crédit dans ta société. — Tu prétends avoir été ensorcelée ! Cette excuse ne t’appartient pas. — C’est toi, impie, qui m’as enchanté ; — mais je romprai tes charmes et tes exorcismes, — et je rendrai la vue à ces yeux, — qui ont présenté à mon cœur un corbeau pour une colombe. — Tu n’es pas jolie, jusqu’ici je ne te voyais pas ; — tu n’es pas bonne, jusqu’ici je ne te connaissais pas. — Et maintenant que la pluie a enlevé ta dorure, — ton misérable cuivre se montre dans toute sa fausseté. — Je ne m’afflige pas de voir combien tu es noire, — mais j’enrage de t’avoir jamais crue blanche (13). — Va, éloigne-toi ; digne compagne de ta valetaille ; — je m’estime trop pour être ton favori.

alice.

— Oui, ce que m’ont si souvent affirmé mes amis — ne se vérifie que trop tôt ; je le reconnais maintenant, — ce n’est pas moi que Mosby aime, c’est ma fortune ; — et trop incrédule, je ne voulais jamais le croire… — Ah ! Mosby, laisse-moi te dire un ou deux mots ; — je mordrai ma langue si elle parle amèrement. — Regarde-moi,