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APPENDICE.

En conséquence, le noble Thésée fit mander le gentil Palémon sans que celui-ci en sût la cause ; et, à ce commandement souverain. Palémon se présenta tristement vêtu de noir. Thésée envoya également chercher Émilie.

Quand tous furent assemblés et que le silence fut partout établi, quand Thésée eut pris le temps de méditer les paroles qui allaient s’échapper de sa sage poitrine, il poussa tristement un profond soupir et exprima ainsi sa pensée :

— Le premier moteur des causes, là-haut, forgea primitivement la belle chaîne de l’amour. Grand fut l’effet, sublime était son intention, car avec cette chaîne de l’amour il lie le feu, l’air, l’eau et la terre en un faisceau dont ils ne peuvent se détacher. Ce même moteur souverain a fixé, dans ce triste bas monde, une certaine durée à tous les êtres qui y sont engendrés ; ils ne peuvent pas dépasser le jour fixé ; tout ce qu’ils peuvent, c’est abréger leurs jours. Par l’ordre universel les hommes peuvent aisément comprendre que ce moteur est immuable et éternel. À moins d’être fous ils peuvent aisément reconnaître que chaque être particulier dérive de son tout. Car la nature ne tire pas son origine d’une partie ni d’une fraction d’être, mais d’un être qui est parfait et immuable, et elle en descend jusqu’à devenir corruptible. Et aussi, dans sa sage providence, cet être suprême a si bien ordonné les choses, que les espèces et les races se perpétuent par la succession, sans que les individus même soient éternels. Vous pouvez facilement comprendre et vérifier cela de vos propres yeux. Voyez le chêne, qui a absorbé une telle substance depuis le temps où il a commencé à germer, et qui a eu une si longue existence : il finit pourtant par se flétrir. Voyez aussi comme la pierre dure, jetée sur le chemin, s’use sous nos pieds qui la foulent. Il vient un moment où la large rivière se dessèche. Nous voyons les plus grandes villes décroître et disparaître. Reconnaissez donc que toute chose a une